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Le départ anticipé à la retraite, censé soutenir les travailleurs ayant commencé leur carrière très tôt, ne profite finalement pas à ceux qui en auraient le plus besoin. C’est le constat sévère dressé par la Cour des comptes dans son rapport paru en avril dernier. Le dispositif carrière longue, instauré en 2003, devait pouvoir offrir une sortie deux ans avant l’âge légal aux ouvriers, apprentis ou salariés sans diplôme. Ces catégories, faisant souvent face à des métiers pénibles et à des salaires modestes, devaient en être les premiers bénéficiaires. Mais vingt ans après sa création, le mécanisme est jugé « mal calibré ». Comme l’ont souligné les Sages de la rue Cambon, l’outil « peine (même) à remplir sa mission ».
Les plus modestes partent paradoxalement plus tard
Ce que dénonce en priorité la Cour des comptes, c’est l’exclusion des travailleurs aux revenus les plus bas du dispositif de départ anticipé. Les salariés les plus modestes ne tirent effectivement pas avantage de la retraite anticipée.
« Pour pratiquement toutes les générations depuis 1906, l’âge moyen de départ à la retraite des retraités dont la pension est la plus faible est plus élevé que celui des retraités dont la pension est la plus élevée ! », observe Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes. Les plus pauvres partent donc en réalité plus tard que les mieux lotis.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : « Les retraités dont les pensions se situent entre le 1er et le 4e décile n’ont représenté que 13% des départs pour carrière longue », relèvent les magistrats de la rue Cambon. Inversement, ce sont les assurés des classes moyennes supérieures, du 5e au 8e décile, qui profitent le plus du système.
Des carrières hachées qui bloquent l’accès au dispositif
Pour Carine Camby, présidente de la première chambre de la Cour des comptes, ce décalage met en évidence « la fragilité des parcours professionnels » des plus modestes :
À voirRetraite : 2 millions de pensionnés dans le viseur de la Cour des comptes, qui est concerné ?« Très souvent, les personnes aux revenus les plus modestes sont celles qui ont des carrières plus hachées », constate-t-elle. Chômage, arrêts maladie, emplois précaires… autant de coupures qui empêchent d’accumuler les trimestres nécessaires pour prétendre à la retraite anticipée.
Ainsi, même si ces travailleurs ont commencé très jeunes, ils ne remplissent pas les conditions administratives pour valider une carrière longue. « Il y a donc un vrai décalage entre ceux qui devraient théoriquement en être les premiers bénéficiaires, et ceux qui le sont dans les faits », poursuit Carine Camby.
Le poids du manque d’information
Outre les critères d’éligibilité, le problème vient aussi d’un « grand manque d’information autour de la retraite anticipée ». La présidente de Qualiretraite, Angélique Perroux, précise que « les assurés sont très peu au courant, de leur éligibilité ».
Selon elle, les caisses de retraite et de France Travail ne communiquent pas assez sur le sujet au point que « certains assurés font des choix en fin de carrière qui les éloignent pourtant de la retraite anticipée, sans même le savoir ».
À voirRetraite progressive à 60 ans : nouveautés dès le 1er septembre 2025, qui peut en bénéficier et comment ?Le magazine Capital illustre le cas d’un salarié en fin de carrière, qui, après avoir cherché du travail pendant plusieurs mois, finit par rester au chômage. Or, cette situation l’empêche de valider ses trimestres et lui ferme la porte au dispositif.
« C’est un gâchis, regrette Angélique Perroux. Si l’assuré avait été mieux informé sur les trimestres manquants, il aurait pu accepter un poste, même moins idéal, pour valider ses droits et partir en retraite anticipée. »