Les vrais chiffres sur l’héritage des riches : faut-il vraiment les taxer plus ?

Taxer les héritiers milliardaires : une fausse bonne idée pour la France ?

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Les inégalités de patrimoine se creusent en France, et la question de la fiscalité des successions revient souvent sur le tapis : mais au fait, doit-on réellement taxer davantage l’héritage des riches ? Les chiffres récents montrent que la pratique actuelle profite fortement à une partie d’ultra-riches, tandis que la grande majorité des Français n’héritent que de sommes modestes, voire rien du tout.

Que nous disent les chiffres ?

Selon une étude d’Oxfam France, 80 % des Français ne reçoivent aucune donation du vivant, et parmi ceux qui héritent, 9 sur 10 empochent moins de 100 000 € au cours de leur vie.

À l’inverse, le top 0,1 % des héritiers – qualifiés de super-héritiers – reçoivent en moyenne 13 millions d’euros, soit 180 fois la valeur médiane des transmissions.

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Pourtant, ces super-héritages ne sont imposés qu’à hauteur de 10 % en moyenne, contre un taux théorique de 45 % au-delà de 1,8 million d’euros.

Des niches fiscales qui dopent les fortunes familiales

La faible progressivité de l’impôt sur l’héritage s’explique notamment par la multiplication des niches fiscales et des abattements.

Par exemple, le pacte Dutreil permet d’exonérer 75 % de la transmission des parts d’entreprise sous conditions – un avantage estimé par certains à 3 milliards d’euros par an.

Si plusieurs parlementaires ont tenté de resserrer ses conditions d’application, « le dispositif n’a(finalement) pas été modifié par la loi de finances 2025 », souligne auprès de « Les Echos », Sophie Nouy, directrice du pôle d’expertise patrimoniale chez Cyrus.

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Autre mécanisme : l’assurance-vie, presque totalement exonérée si l’on respecte certains plafonds. Résultat : un quart des milliardaires français d’aujourd’hui le sont devenus grâce à d’énormes transmissions familiales, et 7 des 9 nouvelles fortunes d’1 milliard $ annoncées en 2024 sont des super-héritières ou super-héritiers.

À l’échelle mondiale, la fiscalité française semble moins lourde qu’on ne le pense

À l’échelle mondiale, le rapport UBS Billionaire Ambitions 2024 confirme que, parmi les 2 686 milliardaires, 70 % sont self-made et seulement 30 % sont des héritiers. En Europe de l’Ouest, la proportion d’héritiers parmi les milliardaires varie de 44 % en Suisse à 72 % en Allemagne, contre 48 % en France.

Par ailleurs, la croissance des fortunes des milliardaires français (+4,4 % en 2024) est nettement inférieure à celle de leurs homologues allemands (+16,4 %) ou suisses (+28,5 %). De ce fait, alourdir la taxation des héritages en France risquerait de pousser ces fortunes à s’exiler vers des juridictions plus attrayantes, où la transmission de patrimoine demeure moins pénalisée.

Réforme de l’héritage : un sujet épineux

D’un côté, 60 % des Français se déclarent favorables à un alourdissement de l’imposition des héritages les plus élevés (sondage Verian-Oxfam). De l’autre, la grandemobilité des ultra-riches et la concurrence fiscale entre pays européens contre-indiquent toute hausse unilatérale des droits de succession.

Dans les trente prochaines années, 25 milliardaires français devraient transmettre plus de 460 milliards d’euros, sur lesquels l’État pourrait perdre jusqu’à 160 milliards d’euros si rien n’est fait : une somme qui équivaut à près de 7 000 € par individu majeur dans l’Hexagone.

Un équilibre fragile à trouver

Les chiffres-clés montrent que, sans réforme, la concentration des patrimoines va s’accentuer, creusant encore plus les écarts sociaux.

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Toutefois, une augmentation trop brutale des droits de succession repousserait les capitaux vers des paradis fiscaux ou d’autres continents, comme le confirment les projections d’UBS sur la mobilité des milliardaires. En définitive, la question de savoir s’il faut taxer plus l’héritage des riches relève d’un exercice d’équilibre.


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