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C’est un mécanisme juridique qui surprend, voire inquiète : en France, un voisin peut légalement devenir propriétaire de votre terrain sans jamais l’acheter. Il suffit qu’une personne utilise paisiblement et publiquement une parcelle pendant un certain nombre d’années – sans contestation du propriétaire – pour pouvoir la revendiquer. Explications.
Usucapion : quand l’usage vaut titre de propriété
Cela peut paraître incroyable, mais en France, un voisin – ou même une commune – peut avoir pour lui (ou pour elle) un bien immobilier qui ne lui appartient pas… sans jamais avoir déboursé un centime. Le mécanisme légal derrière cette appropriation s’appelle la prescription acquisitive ou usucapion.
Prévue par l’article 2258 du Code civil, cette disposition permet de revendiquer la propriété d’un bien immobilier après l’avoir occupé pendant 30 ans, à certaines conditions très précises.
À voirArnaque à l’assurance retraite : attention au faux email sur un « trop perçu » de votre pension !Si une personne utilise un terrain, une maison ou un garage comme si elle en était le propriétaire, sans opposition du véritable propriétaire, elle peut en réclamer la propriété au bout de trente ans. Il ne suffit pas d’y passer de temps en temps : cette occupation doit être continue, ininterrompue, paisible, publique et non équivoque.
Pas besoin d’un acte de vente ni même d’être de bonne foi : même en connaissant l’identité du vrai propriétaire, un occupant peut prétendre à la propriété d’un bien s’il remplit ces critères.
La Cour de cassation confirme : même une commune peut en profiter
Un arrêt de la Cour de cassation de 2022 a relancé l’intérêt pour cette règle, en reconnaissant qu’une commune pouvait aussi devenir propriétaire par prescription acquisitive.
Dans cette affaire, un terrain appartenant à un particulier était utilisé depuis plus de 30 ans comme parking public avec des arbres plantés, sans que le propriétaire ne proteste. La commune a donc pu en devenir propriétaire.
À voirFaire garder ses enfants devient un luxe : découvrez les départements les plus touchés par la hausseLe propriétaire a tenté de contester, arguant que les règles du Code général de la propriété des personnes publiques ne prévoyaient pas ce mode d’acquisition pour une collectivité. Mais les juges ont tranché : le silence vaut acceptation, et la prescription trentenaire s’applique également aux collectivités locales.
Un cas révélateur : le garage oublié par son propriétaire
Un autre exemple marquant remonte à 2015. La Cour de cassation a donné raison à un syndicat de copropriétaires qui utilisait un garage depuis plus de 30 ans. Le propriétaire originel n’ayant jamais fait valoir ses droits, les juges ont considéré que le syndicat était désormais propriétaire légitime, grâce à l’usucapion.
Un danger pour les propriétaires inattentifs
Cette disposition constitue une menace pour les propriétaires qui laissent leur bien inoccupé ou qui autorisent, même tacitement, leur usage par un tiers sur le long terme. Ne pas contester une occupation irrégulière pendant 30 ans revient à abandonner son droit de propriété. Une raison de plus de surveiller régulièrement vos biens, même les plus modestes.