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Depuis 2024, la France connaît une hausse spectaculaire des fermetures administratives de restaurants pour raisons sanitaires. Moisissures, matériel insalubre, cafards vivants ou déjections de rongeurs : les exemples d’établissements suspendus en urgence se multiplient, révélant un durcissement inédit des contrôles d’hygiène. Mais faut-il s’alarmer pour autant de la situation dans la restauration ? Voici les faits.
Une réforme qui change la donne
Le tournant s’opère en 2022, avec la mise en place d’une police sanitaire unique. Objectif : mieux protéger les consommateurs et améliorer la gestion des crises sanitaires.
Entrée en vigueur en janvier 2024, la réforme délègue désormais les contrôles à des prestataires privés régionaux, remplaçant en partie les inspections réalisées par les DDPP (directions départementales de protection des populations).
Résultat ? Une hausse massive des contrôles. « En 2024, nous avons atteint nos objectifs d’augmenter de plus de 80 % les contrôles en remise directe en France », affirme Maud Faipoux, directrice générale de l’alimentation. Près de 100 000 inspections ont été menées dans les restaurants et commerces de bouche, selon le ministère de l’Agriculture.
Des fermetures en forte hausse, mais pas forcément inquiétantes
À mesure que les inspections se multiplient, les sanctions suivent. En Seine-Saint-Denis, les fermetures de restaurants sont passées de 77 en 2023 à 158 en 2024. Dans le Rhône, elles ont été multipliées par 5,5 en un an.
À voirChèque énergie : vigilance accrue, les arnaques explosent avant le lancement de la campagneMais selon les autorités sanitaires, cette augmentation n’est pas nécessairement signe d’un déclin généralisé de l’hygiène. « On a une augmentation des fermetures directement liée à la pression de contrôle, on ne peut pas dire qu’il y ait une dégradation de la situation sanitaire », explique Mathias Tinchant, directeur adjoint de la DDPP du Rhône.
Idem dans le Val-d’Oise, où « le ratio contrôles/fermetures en urgence » a baissé de 13 % en 2023 à 5,6 % en 2024. « Il y a un effet vertueux, car les professionnels savent qu’ils vont être contrôlés », note Marguerite Lafanechere, directrice de la DDPP 95.
Des cas emblématiques : saleté, mauvaises pratiques, toxi-infections
Des cas graves justifient pleinement l’utilité de ces contrôles. Dans un restaurant de la Crau (Var), la préfecture a prononcé une fermeture d’urgence en raison de locaux dégradés, de matériel sale et de produits mal conservés, sans traçabilité. À Saint-Ouen, c’est la présence de déjections de souris qui a conduit à la fermeture immédiate d’un rooftop.
« Vous avez des établissements en difficulté financière et qui essaient de rogner sur le personnel, donc ils préfèrent que les employés passent du temps à produire plutôt qu’à nettoyer, puis plutôt que de jeter des matières premières qui arrivent à péremption, ils préfèrent les utiliser, etc. Et de fil en aiguille, ils arrivent à des extrémités », détaille Mathias Tinchant.
Des mesures de transparence accrues
En parallèle, la visibilité des sanctions s’est renforcée. Outre l’affichage obligatoire des arrêtés de fermeture, le site Alim’Confiance permet depuis 2017 de consulter les résultats des contrôles. Certaines préfectures adoptent même la stratégie du « name and shame » ( comprendre en français « nommer pour faire honte »).
À voirRappel de ratatouille Carrefour dans toute la France : attention à une possible présence de verre« Aujourd’hui, les vitrines des commerces, ce sont les réseaux sociaux. Nos publications sont un élément de santé publique », défend Philippe Court, préfet du Val-d’Oise.
Une situation révélatrice de fragilités post-Covid
Si la situation n’est pas alarmante à grande échelle, elle met en évidence les difficultés de certains restaurateurs à maintenir un niveau d’hygiène acceptable. « Certaines structures ont été maintenues à flot par les aides Covid. Aujourd’hui, nombre d’entre elles ne présentent plus les conditions de viabilité sanitaire », analyse la préfecture d’Ille-et-Vilaine.
Pour Patrice Goizin, président du groupement hôtellerie-restauration du Sud, les contrôles sont nécessaires : « On est demandeurs de ce genre de contrôles. Quand on n’a rien à se reprocher, cela se passe très bien. Il faut simplement les anticiper et être prêt. »
