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Loi Mayotte : Macron donne rendez-vous aux élus à l'Élysée

MAMOUDZOU. En déplacement pour deux jours à Mayotte, la ministre déléguée aux outre-mer a annoncé, hier, que le projet de loi Mayotte sera présenté aux élus de l'île le 17 mai prochain par Emmanuel Macron à L'Élysée. Ils auront un mois pour rendre leur avis.


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Rédigé par Clicanoo

Pour son quatrième déplacement à Mayotte depuis sa nomination le 8 février, Marie Guévenoux a dû affronter des vents contraires. En raison de la tempête Hidaya et des fortes pluies, son avion est arrivé avec plusieurs heures de retard. Les visites prévues dans l'après-midi ont été annulées, pas la rencontre avec le président du conseil départemental, le président de l'association des maires, les parlementaires présents et le maire de Mamoudzou. La ministre déléguée leur a précisé le nouveau calendrier prévu pour la loi constitutionnelle sur la fin du droit du sol à Mayotte et sur le projet de loi Mayotte. Un texte qui comprend des mesures en matière de sécurité, de lutte contre l'immigration illégale, de développement économique et institutionnelles en faisant évoluer le département vers un statut régional.

Marie Guévenoux a annoncé aux élus que la loi Mayotte, qui devait être présentée le 22 mai en Conseil des ministres, sera en fait dévoilé aux élus mahorais le 17 mai par Emmanuel Macron. “Les élus de Mayotte seront invités à L'Élysée”, a précisé la ministre déléguée sur le plateau de Mayotte 1re. 

“Ce sera un contrat gagnant-gagnant pour une concertation avec les élus”, a ajouté la ministre. Ces derniers auront jusqu'au 22 juin pour rendre un avis. “Le conseil départemental sera officiellement saisi, précise Marie Guévenoux. Il ne fallait pas reporter aux calendes grecques le dépôt de ces projets de loi afin qu'ils puissent être examinés à l'autonome par les assemblées”. 

"LES YEUX BRAQUÉS SUR MAYOTTE"

Selon la ministre, “le président de la République veut signifier qu'il a les deux yeux braqués sur Mayotte. Il est avec les Mahorais et les Mahoraises pour les aider à faire face aux difficultés qui sont les leurs et pour avoir une discussion sur l'avenir du territoire”.

Dans la perspective des votes de ces deux textes, Marie Guévenoux est venue à Mayotte avec trois parlementaires des groupes Renaissance, LIOT et Modem, auxquels s'ajoutent deux sénateurs déjà dans l'île. “Le but est que les parlementaires puissent juger de la réalité du quotidien de Mayotte”, souligne l'ancienne élue de l'Essonne. La délégation doit visiter la maternité du centre hospitalier de Mayotte, le service de l'état-civil de la mairie de Mamoudzou, suivre une opération de police, rencontrer des fonctionnaires de la lutte contre l'immigration clandestine.

La ministre déléguée doit également se rendre dans l'unité choléra du CHM. 38 cas sont actuellement identifiés et soignés. 19 personnels de la réserve sanitaire sont arrivés dans l'île le 1er mai. Le ministre de la Santé, Frédéric Valletoux, se rendra à Mayotte les 9 et 10 mai. “Les services de l'Etat sont concentrés tous les jours pour voir l'évolution des cas”, assure Marie Guévénoux.

Interrogée sur les Européennes et la visite de Marine Le Pen dans l'île où elle a reçu un accueil chaleureux les 20 et 21 avril, la ministre déléguée estime que la cheffe de file du RN “doit faire peur aux Mahorais”. “Il y a une forme de schizophrénie de la part de Mayotte à soutenir Mme Le Pen, estime Marie Guévenoux. Elle ne propose rien qui va permettre d'aider Mayotte. Elle vient ici capitaliser sur la misère des gens et en fait son fonds de commerce”. 

"JE NE VAIS PAS MENTIR AUX GENS"

S'agissant de l'opération, “Mayotte Place Nette”, qui a remplacé Wuambushu, la ministre rappelle que 1 700 policiers et gendarmes sont mobilisés jusqu'au 11 juin. Des forces militaires y contribuent également : 30 personnels pour des surveillances des côtes sur des points d'accostage, un bâtiment de haute mer positionné dans le canal du Mozambique pour empêcher les embarcations venues d'Afrique de l'Est de rejoindre Mayotte ou encore un avion qui assure des patrouilles au-dessus des côtes mahoraises. 

Marie Guévenoux dresse également un premier bilan positif de “MPN” avec la démolition de 250 habitants insalubres à Doujani sur un objectif de 1 350. Sur 22 chefs de bandes recherchés car considérés comme dangereux, 22 ont été interpellés. 170 arrestations sont également intervenues, assure la ministre déléguée en annonçant 750 reconduites à la frontière, l'interpellation de 5 passeurs et la saisie de 60 armes blanches.

“Pas une journée ne se passe sans que Mayotte ne soit au centre de nos préoccupations, a également déclaré Marie Guévenoux à l'hebdomadaire Le Point. Crise migratoire, sécuritaire, sanitaire : Mayotte, c'est l'urgence tous les jours (...)  Pour autant, je ne vais pas mentir aux gens : Mayotte ne va pas devenir un havre de prospérité en un claquement de doigts. Si la situation était réglable de façon facile, ce serait déjà réglé. Je ne fais pas de promesse en l'air”.

JÉRÔME TALPIN

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L’agriculture biologique se structure petit à petit

ALIMENTATION. À Mayotte, les taux de pesticides relevés dans certains produits maraîchers peuvent être près de 30 fois au-dessus des normes. De quoi augmenter fortement la demande pour une agriculture biologique, en voie de structuration sur l'île. Devant le local qui lui sert à entreposer ses gousses de vanille, Daouirou Saka attend la petite dizaine de stagiaires qui viennent lui prêter main forte. Le temps pour lui de peser sa marchandise et de contempler ses nouvelles étiquettes floquées "Agriculture biologique". Daouirou Saka fait partie des 41 agriculteurs nouvellement certifiés bio dans le 101e département français. Sur l’île, l'Etablissement public foncier et d'aménagement de Mayotte (Epfam) tente de structurer la filière depuis 2019. L’occasion pour le producteur de vanille - qui cultive également du manioc et des bananes, à côté de son élevage de volailles et bovins - de "mieux valoriser ses produits".

Selon l’Insee, en 2023, le revenu moyen mensuel des agriculteurs à Mayotte était de 700 euros. Daouirou Saka, installé à Poroani, dans le sud de l’île, confie, lui, "gagner confortablement sa vie". Notamment grâce à la vanille, vendue entre 750 et 1.000 euros le kilo. Certifié bio en février dernier, l’agriculteur exploite 4 hectares de parcelles depuis 2014. Des terres qui appartenaient auparavant à son grand-père, puis à son père.

"Forte défiance" 

L'Efpam s’est donné cette mission de structuration de la filière bio afin de répondre "à la forte demande de la population en produits bio", souligne Calvin Picker, conseiller pour le développement de l’agriculture biologique au sein de cet organisme. "Il y a une forte défiance de la population concernant les produits maraîchers", assure-t-il. Notamment depuis la publication des analyses de la Direction de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt (Daaf) qui constatait des taux de pesticides 27 fois supérieurs à la norme sur certaines tomates en 2017.

Depuis, les pratiques n’auraient pas beaucoup changé. "Nous avons récemment découvert des sachets de pesticides sur certaines exploitations, dont certains sont interdits depuis 1996", déplore Calvin Picker, pour qui l’objectif est désormais de rattraper le retard du territoire, en augmentant la production d’aliments certifiés bio. Un retard qui s’explique surtout par une départementalisation récente et une agriculture différente. "On recense beaucoup d’exploitations familiales, la commercialisation des produits se fait de manière informelle, dans un cercle restreint. Il y a peu de traçabilité et de factures", détaille le conseiller. Selon l’Insee, deux tiers des échanges économiques sont informels à Mayotte, où l’économie repose principalement sur l’agriculture et la pêche.

Semences "non traitées" 

Pour accélérer les certifications, et régulariser dans le même temps un certain nombre d’exploitations, l’Epfam tente de faire reconnaître le "jardin mahorais" - mode d’agriculture le plus répandu sur le territoire, qui consiste à mélanger les cultures - comme système agroforestier auprès de l'Institut national de l'origine et de la qualité. "La période de conversion pour une exploitation classique est très longue, il faut compter trois ans. En agroforesterie (association d’arbres et de cultures sur une même parcelle, NDLR), les parcelles peuvent passer directement en bio."

En parallèle, l’établissement public travaille sur les semences bio. Un sujet de blocage pour le maraîchage qui doit obligatoirement utiliser des semences certifiées, peu disponibles sur le territoire car peu adaptées aux conditions de cultures tropicales, avec des pertes de rendement importantes. "L’objectif est donc de pouvoir travailler avec des semences qui ne sont pas bio mais non traitées, pour les tomates, les courgettes ou les haricots par exemple", explique Calvin Picker qui souhaite également qu’un auditeur s’installe durablement sur le territoire. "Les personnes habilitées à certifier une exploitation viennent de La Réunion ou de métropole, ce qui allonge considérablement les délais. Nous avons trouvé un auditeur à Mayotte en 2023 mais l’objectif est de pérenniser son installation", précise-t-il.

Grâce à ces démarches, l’ambition de l’Epfam est de certifier environ 30 nouveaux agriculteurs chaque année. Et d’en compter 60 d’ici fin 2024.


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