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Assises : le plan "théoriquement parfait" du jeune Djayan Soubaya

SAINTE-MARIE. Soupçonné d'avoir tenté d'assassiner une camarade de classe en mai 2019, le lycéen comparait à nouveau devant les assises. Djayan Soubaya avait attiré la jeune fille dans une bâtisse abandonnée, à l'intérieur de laquelle il avait préalablement apporté barre de fer, couteau de cuisine, rouleau de scotch et paire de menottes.


Auteur de l'article : Assises : le plan "théoriquement parfait" du jeune Djayan Soubaya
Rédigé par Clicanoo

Lorsque les gendarmes toquent à la porte de la famille Soubaya le 18 mai 2019, c'est un frêle et élancé jeune homme qui leur ouvre. Djayan Soubaya, 18 ans à l'époque. Brillant élève de terminale S au lycée du Verger à Sainte-Marie, issu d'une famille aimante et sans histoire, et qui n'avait jusqu'alors jamais fait parler de lui. Jamais jusqu'à ce mois de mai 2019 où les gendarmes lui notifient son placement en garde à vue pour "tentative d'assassinat". 

La veille, Marie*, jeune fille de 17 ans, avait poussé les portes d'une brigade pour dénoncer des faits glaçants commis, d'après ses dires, par un camarade classe : un dénommé Djayan Soubaya. Les deux lycéens s'étaient donné rendez-vous le 16 mai à la médiathèque pour réviser les épreuves du baccalauréat. Le garçon avait alors gentiment proposé d'aider sa binôme en Travaux Pratiques (TP). Une aubaine pour la jeune fille, à l'approche de cet examen de la plus haute importance. 

Ce que Marie ne savait pas, c'est que Djayan lui avait réservé une "surprise". C'est du moins le terme employé par le garçon pour attirer sa camarade dans une usine désaffectée du secteur de Bois-Madame. Mais une fois à l'intérieur de la bâtisse, son comportement avait brutalement changé, son camarade devenant "un peu bizarre". Il avait empoigné une barre de fer ramassée au sol, la serrant telle une batte de baseball. 

Après un court silence, Djayan avait sommé sa camarade de fermer les yeux afin de lui montrer la fameuse "surprise". Une "grosse décharge électrique" au niveau de crâne s'en était suivie. Puis plusieurs. Sa tête violemment frappée contre un mur, ce qui avait provoqué sa chute. Une fois par terre, Djayan avait à nouveau frappé le crâne de sa camarade contre le sol. Avant de grimper à califourchon sur elle, lui empoignant le cou à une main pour tenter de l'étrangler. 

Celle qui s'était "vue mourir" d'après son audition avait, grâce à ces mots, réussi à convaincre le jeune homme de relâcher son étreinte. Le lycéen avait fini par donner à sa victime une bouteille d'eau, lui demandant par la suite de patienter dans la bâtisse, le temps d'aller chez lui pour récupérer des affaires afin qu'elle puisse se nettoyer. Un laps de temps dont elle profitera pour s'enfuir. 

À son retour à Bois-Madame, Djayan avait bien tenté de la retrouver, mais Marie avait disparu. Des appels et sms avaient suivi. Le garçon se montrant inquiet. "Il voulait expliquer pourquoi il avait fait ça et avait une once d'espoir que cela appartienne au passé" rapportait un enquêteur ce lundi devant la cour d'assises de La Réunion. 

ACQUITTEMENT 

Hier s'est ouvert le procès en appel de Djayan Soubaya. Accusé âgé de 22 ans désormais, la moue crispée, esquissant par instants un léger sourire ou secouant nerveusement la tête à l'écoute de certaines déclarations. En première instance en novembre 2022, le jeune majeur avait échappé à une condamnation pour tentative d'assassinat.

Faits requalifiés en violences aggravées et pour lesquels il avait écopé de la peine maximale en la matière, sept ans de prison. Provoquant dans la foulée l'appel du parquet général. Parmi les motivations de la cour pour justifier cet acquittement : le "doute" subsistant quant à la volonté de tuer la jeune fille ce 16 mai 2019. 

L'intention homicide, question centrale de ce procès en appel, largement discutée en ce premier jour d'audience. Car sur ce point, Djayan Soubaya a évolué au fil de ses auditions de garde à vue puis pendant l'instruction. Entendu pour la première fois le 18 mai 2019 par les enquêteurs, le jeune homme reconnaît immédiatement être l'auteur de l'agression de la lycéenne. L'objectif : la violer.

PULSIONS "TROP FORTES"

Le gardé à vue raconte avoir mis en place un stratagème pour attirer sa victime dans cet endroit isolé afin de l'assommer pour assouvir des pulsions sexuelles devenues "trop fortes". Pulsions qui ne le quitteraient plus depuis une agression sexuelle dont il aurait été victime durant l'enfance et commise par sa cousine. 

Pourquoi jeter son dévolu sur sa camarade de classe ? Marie était attirante. "Quelqu'un de gentil, qui correspondait à ses attentes" rapportait hier le directeur d'enquête de l'époque. Le projet était mûrement préparé. Repérage des lieux et de l'itinéraire, en plus d'une série d'objets préalablement apportés dans l'usine désaffectée : menottes, rouleau de scotch, barre de fer et couteau de cuisine. Pourquoi avait-il desserré sa prise alors ? Le jeune homme n'avait plus de force. Puis avait finalement réussi à "reprendre le contrôle de ses pulsions". 

ET APRÈS ? 

Les gendarmes s'étaient montrés sceptiques au regard du profil de leur suspect. "Quelqu'un de très intelligent, sûr de lui. Ne pas avoir réfléchi à la suite me paraissait totalement incohérent. Comment imaginer qu'une personne violentée de la sorte aurait pu ne rien dire ensuite ?" argumente le directeur d'enquête devant la cour. 

Le revirement du lycéen était intervenu lors de la deuxième audition de garde à vue, après une nuit de sommeil. Djayan Soubaya reconnaît cette fois-ci avoir échafaudé un funeste projet après interrogations des gendarmes. Le plan, s'il avait "fonctionné comme prévu" : frapper Marie jusqu'à la rendre inconsciente, la violer puis la tuer avec un couteau pour "effacer les preuves". 

"ELLE A SU TROUVER LES MOTS"

Victime dont il comptait cacher le corps à l'arrière de l'usine, emplacement à la végétation dense qu'il montrera d'ailleurs aux enquêteurs. Selon ses dires, l'élève de terminale entendait ensuite utiliser le portable de sa camarade après sa mort pour se constituer un alibi, en envoyant des sms après son décès. "Il parle d'un plan théoriquement parfait" rapporte le directeur d'enquête. Le garçon alors "en quête de savoir s'il était capable d'aller jusqu'au bout", mais qui s'était montré trop sûr de lui durant la première phase de son plan. "Il dit avoir surestimé sa force et sous-estimé celle de sa victime. Si elle n'est pas morte, c'est parce qu'elle a su trouver les mots pour qu'il la lâche. Elle a eu cette force. Sinon, nous ne serions pas ici pour une seule tentative" pense-t-il. 

Intention homicide qu'il reconnaîtra à nouveau devant le juge des libertés et de la détention, avant de finalement faire machine arrière devant le juge d'instruction. Djayan revient sur ses aveux et reste sur ses premières déclarations : il voulait violer sa camarade, mais ne comptait pas la tuer. Version qu'il maintiendra jusqu'à ce jour. Mais alors pourquoi avoir reconnu une tentative d'assassinat ? Le jeune homme dit avoir été influencé par les gendarmes, aux méthodes déloyales d'après l'accusé et ses conseils. Avocats qui n'étaient pas présents au cours de la garde à vue, le lycéen n'ayant pas sollicité leurs services. "Il était tellement sûr de lui qu'il considérait, je pense, qu'il pouvait s'en passer" déclare le directeur d'enquête. 

Particulièrement "marquée" par les faits et vivant dans l'appréhension de ce nouveau procès, la victime a été auditionnée à huis clos ce lundi dans la soirée, à la demande des parties civiles. L'interrogatoire de Djayan Soubaya est quant à lui attendu ce jour. Parviendra-t-il à convaincre les jurés sur ses intentions ce 16 mai 2019 ? Le verdict de la cour d'assises sera rendu ce mercredi. 

Céline Legay 

*Le prénom a été modifié 


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