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"Face à la Mère" au Grand Marché

SPECTACLE. Il est question de théâtralité en ces journées de célébration mondiale de la dramaturgie, mais aussi de musicalité au CDNOi qui renoue avec Alexandra Tobelaim et sa Cie Tandaim, créée à l’Est de la mère patrie, pour deux pièces dont la première sera servie ce soir et demain, histoire de célébrer, d’une longue tournée, la fin. Rencontre, face aux comédiens et musiciens.


Auteur de l'article : "Face à la Mère" au Grand Marché
Rédigé par marine dusigne

Entourée des six protagonistes de "Face à la Mère" que sont les musiciens Lionel, Vincent et Yohan, et les comédiens Olivier, Geoffrey et Stéphane, Alexandra, devenue, depuis sa première aventure  dans notre Petite France de l’Océan indien, responsable du Centre Dramatique National de Thionville, Grand Est ( qu’on appelle le N.EST) ne cache pas sa joie d’être enfin de retour avec un double projet d’exception pour la Réunion. 

"Nous étions programmés, à plusieurs  reprises, quand le Covid est venu tout bouleverser, mais nous sommes enfin là pour l’ultime représentation de ce Face à la Mère, qui a tourné pendant six années !". Et la metteuse en scène qui, avec la complicité de Luc Rosello nous avait concocté en 2020 un fameux "Intérieur(s)", d’évoquer les souvenirs heureux de cette création à quatre mains, qui lui a donné envie de revenir ici et aussi d’y fédérer un autre collectif de comédiens péï pour un projet déjà bien avancé qui attendra encore un ou deux ans, notamment avec al complicité de Nicolas Givran. 

Pour l’heure, c’est avec ses acteurs du N.Est qu’elle revient nous enchanter avec une pièce qui pourtant, a priori, n’a rien de très guilleret: "Je suis tombée sous le charme de ce texte signé de l’auteur haïtien Jean-René Lemoine. Le monologue d’un fils qui, après le décès de sa mère, n’arrive pas à en faire le deuil et écrit cette pièce. Un chant d’amour, un poème d’adieu. Un long fleuve en forme de dialogue avec lui-même sur sa véritable histoire (Jean-René Lemoine a écrit cette pièce quelques années après l’assassinat de sa mère à Haïti) dans une langue de son invention, qui prend le temps de puiser dans les tréfonds de ce récit complexe pour parler de son pays sans le nommer jamais", explique la fondatrice de la Cie Tandaim, pour qui, après y avoir mûrement réfléchi, le projet d’adaptation théâtrale de tels écrits devait se présenter dans une alchimie théâtre et musique, avec trois protagonistes de part et d’autre pour devenir, au pluriel, ce fils qui parle à sa mère.

La grande histoire des rencontres humaines 

"Je ne connaissais alors que le comédien Olivier Veillon et j’ai cherché les cinq autres qui puissent raconter cette histoire, avec le soutien d’un compositeur, Olivier Mellano, capable de transposer les mots en notes, en mode rock, emplies de vie. Rien que de belles rencontres qui ont répondu parfaitement à ce que j’attendais. Vous voulez tout savoir ? Oui, je cherchais des hommes, qui sachent montrer leurs failles et leur fragilité (sourire). Et j’ai trouvé les bonnes personnes pour confirmer mes intentions de création théâtrale à la frontière d’un concert qui, partout, a eu l’heur de plaire pour cette grande douceur qui, malgré la douleur du propos, jaillit entre musique et mots, pour porter l’émotion à son comble. Celle de la grande histoire de notre vie que sont les rencontres humaines". 

Une heure et demie de partage sensible à chaque représentation… "qui ne fait pas l’économie de kleenex, assure un comédien ajoutant que "le son au cordeau assuré par Emile Wacquiez pour la musique idyllique de Mellano, comme les lumières imaginées par Alexandre Martre, nous ont permis de nous dépasser ! Et aussi", ajoutent-ils tous en riant, "la marche forcée qu’Alexandra nous a imposée en répétitions  pour notre concentration ! On n’ jamais arpenté une scène comme ça, en long en large, aussi longtemps. Nouveau, mais bien obligés de le reconnaitre : diablement efficace !"

Marine Dusigne

Ce soir 19h et demain 20h au Grand Marché, "Face à la mère" de Jean-René Lemoine mis en scène par Alexandra Tobelaim, avec les comédiens Stéphane Brouleaux, Geoffrey Mandon, Olivier Veillon et les musiciens Vincent Ferrand (contrebasse) Yoann Buffeteau (batterie) et Lionel Laquerrière (guitare et voix). À voir dès 15 ans.

Suivra la semaine prochaine, 4 et 5 avril la pièce "Abysses" par la même compagnie sur la me^me scène du Grand Marché.

> Jean-René Lemoine ? 

"Son écriture invente les contours d’un monde qui ne ressemble à aucun autre. Elle est poétique et semble parfois sortie d’un autre temps, d’une époque révolue qui s’échoue dans la nôtre pour réveiller des mythologies nouvelles. Elle s’affirme dans sa singularité…. avec une quête des sonorités sans jamais abandonner le sens. Cela faisait longtemps que je n’avais pas été percutée par une écriture et un univers", dixit Alexandra.

Ils ont dit …

Yoann, le batteur: "Une expérience inédite pour un musicien d’ordinaire en action que de devoir ne rien faire quand il ne joue pas, d’être dans le silence… Ou l’art finalement, de  développer une certaine confiance  en soi avec la possibilité infinie d’échapper à une routine, de marcher et de rester pourtant en totale connexion et osmose avec les autres sur le plateau…"

Vincent, le contrebassiste : "Tout ça apporte une telle force d’émotion sur le plateau qu’on se sent privilégié de bosser avec une troupe pareille , un texte et une musique d’une telle qualité…"

Geoffrey, comédien : "Après tant de variations dans les six années de mon périple d’acteur où je me suis pris de portes, cherchant à débusquer mes  émotions perso et à me mettre dans des états pas possibles pour rien, sans que ça marche, je sais aujourd’hui que ça fonctionne quand on ne lâche rien, quand on laisse fuser ou planer  les  choses. Plus on met de distance pour faire exister les mots, plus ils sonnent juste, parce qu’on est ensemble, dans une alchimie particulière, et que le public adhère… Épatant".

Stéphane Brouleaux, comédien : "Quand on est poreux, on a vraiment l’impression d’exister et d’appartenir à un ensemble et c’est magique parce que, en même temps, on n’a jamais été autant soi-même !".

Olivier Veillon, comédien : "On sert tous le texte, avec des motifs ou en canon, en duo ou à trois, ce qui est pour chacun d’entre nous inédit et apporte une vibration au présent d’une étonnante singularité. Avec  l’actualité d’Haïti, ces jours-ci, et tout ce qui touche à l’exil et aux situations catastrophiques sur le champ des migrants. Je pense que la pièce va résonner plus fort encore, surtout dans une île éloignée comme La Réunion…"

Lionel Laquerrière, le guitariste et chanteur: "Étonnant et plaisant le fait que trois musiciens et trois comédiens portent ensemble un même récit et soient ainsi à égalité avec eux-mêmes. C’est tout le dispositif qui fait le boulot et, croyez-moi, c’est très beau !"


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