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Un détenu frappe un surveillant à Domenjod : "La prison, c’est un rapport de force permanent"

Jugé pour avoir adressé un coup de poing au visage d’un surveillant, un détenu de Domenjod était jugé hier en comparution immédiate. Le gardien, qui l’avait bousculé après une altercation verbale, écope d’un rappel à la loi.


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Rédigé par Clicanoo

C’est une affaire qui illustre les tensions qui peuvent régner au quotidien dans un établissement pénitentiaire. Alors qu’il est en détention provisoire depuis mars 2023 à la maison d’arrêt de Domenjod dans l’affaire de l’assassinat de Jean Fred Cazambo à Saint-Gilles, Jordan Confiance, 25 ans, était jugé hier en comparution immédiate pour des violences commises à l’égard d’un surveillant le 22 avril dernier.

Ce jour-là, plusieurs détenus qui trainent à rentrer de la promenade sont rappelés à l’ordre par un gardien. Parmi eux, Jordan Confiance, qui s’approche du surveillant au moment de regagner le bâtiment H. Selon lui, le fonctionnaire lui aurait adressé des propos injurieux. "Il m’a dit de fermer ma gueule et a insulté ma mère", affirme le détenu. "C’est faux. Je lui ai seulement dit de fermer de sa bouche et que l’heure, c’est l’heure. Tous les jours, on essuie des insultes et on fait des rapports, mais on ne leur parle pas mal", conteste l’agent.

La scène, filmée par la vidéosurveillance, ne dit pas le contenu des échanges. On peut voir en revanche le détenu se porter à moins d’un mètre du gardien, et ce dernier le repousser violemment. Tombé par terre, Jordan Confiance se relève très vite. Aussi sec, ce pratiquant de boxe adresse un violent coup de poing au visage du gardien, qui s'écroule. Résultat : trois jours d’ITT et plusieurs points de suture à la lèvre du gardien.

"Mauvais réflexe"

"J’étais en colère, quand il m’a poussé, j’aurais pu me cogner la tête", se justifie le détenu. "J’ai senti qu’il voulait en découdre. Dans un réflexe, je l’ai poussé. C’est la première fois en vingt ans de maison qu’il m’arrive une chose pareille", reprend le surveillant.

Chacun campe sur sa position. Compte tenu du geste inapproprié du gardien, le parquet lui a adressé un rappel à la loi. Le détenu, lui, a déjà écopé de 30 jours de cachot devant le conseil de discipline, la sanction maximale.

"La prison, c’est un rapport de force permanent, entre détenus, mais aussi avec les gardiens qui représentent l’autorité et méritent le respect. Là, on a un détenu qui est dans la provocation en refusant de rentrer, puis qui vient demander des comptes car il n’accepte pas les ordres", observe Me Guillaume Motos pour le surveillant. "Le gardien le repousse virilement, certes, mais ça ne justifie pas ce geste inacceptable. Mon client n’a toujours pas repris le travail, et il se demande comment ça va se passer à son retour", ajoute l’avocat de la partie civile.

"Ce gardien était acculé, dos au mur. Il a eu un mauvais réflexe, mais le coup de poing porté ensuite est inadmissible", dénonce la substitut du procureur Carmelita Dijoux. Se disant "inquiète du comportement d’un détenu déjà incarcéré pour des faits graves, qui ont causé la mort d’un homme", elle requiert un an de prison ferme.

"Émotionnellement instable"

La défense pointe en revanche le comportement du gardien. "M. Confiance vient lui parler, il a les bras le long du corps, rien de menaçant. Est-ce dans le code de déontologie des surveillants d’invectiver un détenu, puis de le pousser en le faisant voler sur trois mètres ? C’est le surveillant qui a provoqué le clash", affirme Me Arthur More. Sans plaider la légitime défense, il demande "une sanction proportionnée" qui tienne compte des questions de "surpopulation carcérale", de "condition précaire des détenus" et de l’état "émotionnellement instable d’un mis en cause qui encourt la perpétuité et ne sait pas quand il sera jugé."

Après délibéré, le tribunal va condamner Jordan Confiance à la peine de six mois d’emprisonnement ferme, avec maintien en détention. Une décision "satisfaisante" pour le représentant de FO-Pénitentiaire, présent à l’audience. "Peu importe le quantum de la peine, l’important c’était de marquer le coup sur des violences intolérables à l’égard des agents", souligne Vincent Pardoux.

Le détenu, qui a déjà décidé de contester la sanction disciplinaire, a dix jours pour faire appel de la sanction pénale.

Sébastien Gignoux


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