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Younous Omarjee : "Mettre fin à l'Europe libérale"

ENTRETIEN. En deuxième position derrière Manon Aubry sur la liste de la France insoumise aux élections européennes, l'eurodéputé sortant, qui brigue un troisième mandat à Bruxelles, est le candidat réunionnais le "mieux" placé pour siéger au Parlement européen. Homme de terrain, fervent défenseur des Régions ultra-périphériques (Rup), Younous Omarjee a réaffirmé au Journal de l'île toute sa détermination à lutter contre "l'austérité" et les "politiques libérales".


Auteur de l'article : Younous Omarjee : "Mettre fin à l'Europe libérale"
Rédigé par Clicanoo

Bruxelles lui tend (encore) les bras ! Younous Omarjee, eurodéputé réunionnais sortant, président de la commission de développement régional au Parlement européen (Regi), est - n'ayons pas peur de la dire - le candidat réunionnais dont les chances de siéger à Bruxelles sont certainement les plus élevées. Même si les sondages donnent la liste des Insoumis loin derrière la liste du Rassemblement national portée par Jordan Bardella, ou encore celle de la majorité présidentielle portée par Valérie Hayer (Renaissance) et celle du PS-Place Publique, portée par Raphaël Glucksmann. L'eurodéputé de 54 ans, qui bénéficie du soutien de la plateforme La Gauche authentique de la présidente de Région Huguette Bello, jouit de sa maîtrise des dossiers qui touchent aux Régions ultra-périphériques (Rup). Sa campagne de terrain, boostée par la venue de Jean-Luc Mélenchon à La Réunion, le mois dernier, lui permettent de donner de l'allant à un programme en rupture totale avec les "politiques libérales européennes."

Vous figurez en seconde position derrière Manon Aubry, également eurodéputée sortante, sur la liste portée par la France insoumise… Pouvez-vous nous expliquer les dessous de ce choix ?
"Cette décision a été prise par le comité électoral du parti à l'issue d'un processus très clair (les électeurs du parti ont voté et approuvé à près de 93 % la liste en mars dernier, NDLR). Il n'était pas question pour Jean-Luc Mélenchon que les territoires ultramarins ne soient pas représentés. Ce n'était pas négociable : il fallait que les Outre-mer soient en position éligible (...) Manon Aubry est une tête de liste engagée et déterminée, avec de fortes convictions et une grande combativité. De mon côté, c'est une immense fierté d'être à cette place. J'ai été le président de la commission de développement régional au Parlement, je connais mes dossiers. Je suis un eurodéputé réunionnais libre, dans l'action, je ne me laisse pas impressionner. Les Réunionnais me connaissent, ils savent que je vais au combat pour leurs intérêts depuis le premier jour de mon mandat. J'aime le combat politique et je me bats chaque jour pour La Réunion, pour les Réunionnais, et pour tous les ultramarins.


Depuis le lancement de votre campagne, vous répétez, partout où vous allez, que ces élections sont cruciales. Pour quelles raisons ?
Une nouvelle géopolitique mondiale est en train de naître sous nos yeux. Les regards se tournent vers les pays d'Europe du nord, de l'est et du grand-est. Les Européens ont la conviction que la souveraineté et l'indépendance de l'Europe se jouent de ce côté-là, avec la problématique ukrainienne par exemple. Il y a, par conséquent, un risque que les regards se détournent des pays du sud et des Régions ultra-périphériques (Rup). Je ferais en sorte que les Rup demeurent dans les priorités de l'Union européenne*. C'est très important dans ce contexte que les Réunionnais et les autres ultramarins me donnent leur confiance et la force de pouvoir mener des batailles dans leurs intérêts. Je veux et je peux faire contrepoids et tempérer les mauvais impacts de ce glissement. Je suis la démonstration de notre capacité à être influent (sic).


Pourtant, les Réunionnais ont tendance à se détourner de ces élections…
Ce ressenti doit nous questionner. Ils voient leur condition de vie se dégrader. Et justement, nous avons une grande responsabilité face aux politiques libérales menées par la Commission européenne (qui propose des textes législatifs et en veillant à leur application, ainsi qu'en mettant en œuvre les politiques et le budget de l'UE, NDLR) et par le président Macron. Ces politiques libérales génèrent une très grande colère. Il faut y mettre fin.

"Nous sommes les seuls à nous opposer aux accords de libres-échanges"

Justement, cette bataille contre le libéralisme sera de nouveau votre crédo ?
Oui, l'Europe libérale est aujourd'hui d'une grande violence. La France applique les pires exigences économiques et budgétaires commandées et dictées par la Commission européenne avec, par exemple, les réformes des retraites et de l'assurance chômage, mais aussi la pire cure d'austérité jamais vue en Europe avec plusieurs milliards de coupes budgétaires annoncées pour 2024 et 2025. Ils sont coupables des traités de libres-échanges en instaurant une concurrence déloyale pour l'ensemble des travailleurs de l'Union européenne et pour nos agriculteurs. Concernant ces derniers, par exemple, on leur interdit l'usage de pesticides alors que des produits importés entrent, chargés de pesticides. Où est la justice ? Nous sommes d'ailleurs - et nous le revendiquons - les seuls à nous opposer aux accords de libres-échanges. Nous voulons mettre fin à ces politiques d'austérité qui détruisent nos services publics et notre protection sociale.

"Nos concurrents s'intéressent aux Outre-mer uniquement quelques semaines avant la campagne"

Quels nouveaux projets aimeriez-vous mener à Bruxelles dans l'hypothèse d'un troisième mandat ?
J'aimerais proposer des emplois jeunes européens dans les Rup, autour du développement durable notamment, pour lutter contre le taux de chômage qui y est élevé. Ces emplois seraient financés par l'Europe et permettraient d'offrir des perspectives à une jeunesse parfois désespérée. J'aimerais aussi proposer la fin du géoblocage des chaînes qui est appliqué dans l'audiovisuel, au sein des pays membres de l'Union européenne (une technologie permettant de régulariser les contenus et services en fonction de l'emplacement géographique du consommateur. En clair, un résident en France a uniquement accès au catalogue audiovisuel français, NDLR). Bien évidemment, la lutte contre la vie chère restera une de mes priorités. C'est un combat qui nécessite une action coordonnée à l'échelle européenne, au vu des spécificités des Régions ultra-périphériques, dont La Réunion. Je vais poursuivre les batailles menées par notre liste : revaloriser les salaires, redonner du pouvoir d'achat aux ultramarins, instaurer des prix planchers au niveau de l'aide alimentaire, mettre fin aux cadeaux faits au plus riches. Il faut casser cette économie de rente et de monopole.


Regrettez-vous que cette campagne tourne - pour certains - autour du duel annoncé entre la majorité présidentielle et le Rassemblement national ?
C'est un faux duel mortifère entre le camp Macron et le Rassemblement national. C'est un duel perdant pour tout le monde. Nos concurrents s'intéressent aux Outre-mer uniquement quelques semaines avant la campagne. Beaucoup ouvrent les dossiers avant de prendre l'avion et d'atterrir dans les territoires d'Outre-mer. Les Rup sont ensuite rapidement oubliées et beaucoup d'eurodéputés ne se battent pas pour ces territoires. Pour cette raison, j'appelle les Réunionnais à faire le choix de La Réunion, pour La Réunion. Voter pour notre liste, c'est avoir l'assurance d'avoir un eurodéputé réunionnais à Bruxelles. Je pense que les Réunionnais en ont conscience.


Êtes-vous optimiste ?
Partout où je passe, il y a de l'engouement. Je le répète, le monde change. L'Europe change, avec le risque que les pays membres sortent de l'histoire. Et face à la montée des nationalistes et des réactionnaires, qui menacent le contenu même des normes européennes, ces élections sont importantes. Mais notre appartenance à l'Europe ne doit pas non plus détourner notre regard du bassin de l'océan Indien, qui reste dynamique et attractif."


Propos recueillis par Lény-Huayna Tible
[email protected]

* Entre 2021 et 2027, la région La Réunion touchera 1,4 milliard d'euros au titre de deux programmes européens dont elle est autorité de gestion : le Fonds européen de développement régional (FEDER) et le Fonds social européen + (FSE+). En plus de ces fonds structurels, Younous Omarjee a joué un rôle crucial dans les négociations en faveur du déblocage de 300 000 000 supplémentaires alloués à La Réunion dans le cadre du programme React-EU (dont l'objectif est de remédier aux dommages sociaux et économiques causés par la pandémie de covid-19 et de préparer une reprise écologique, numérique et résiliente de l'économie).


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